C’est une phrase que j’entends souvent. Elle dit bien ce que le divorce provoque : un choc intérieur, une perte de repères, un effondrement qui dépasse la seule question du couple.
Dans la plupart des discours, on présente encore le divorce comme une épreuve passagère. On vous dira que c’est difficile, bien sûr, mais qu’il suffit de temps, de patience, d’une bonne médiation. Qu’avec un peu de maturité, et beaucoup de recul, on « tourne la page ».
Mais la réalité du terrain est tout autre.
Le divorce désorganise tout ce qui semblait acquis : le lien à l’autre, les habitudes, la parentalité, l’image sociale, l’idée que l’on se faisait de soi, de l’amour, de l’avenir. Il vient dérégler le système nerveux, brouiller la mémoire, fragmenter les pensées, activer des schémas de survie archaïques (hypervigilance, sidération, besoin de contrôle, évitement émotionnel). C’est une expérience de désorientation totale — pas un simple passage difficile.
Le divorce est un traumatisme qui bouleverse l’identité, pas une simple rupture.
Les neurosciences nous montrent aujourd’hui que l’attachement humain ne disparaît pas avec un jugement. Le cerveau, lui, continue d’envoyer des signaux d’alerte : stress chronique, troubles du sommeil, hypersensibilité, perte de concentration. Cette « douleur de séparation » est comparable, dans ses effets, à un sevrage brutal.
Et pourtant, tout dans notre environnement social pousse à minimiser.
Or, ce que je vois chaque jour, ce sont des femmes et des hommes intelligents, lucides, qui n’arrivent plus à fonctionner. Non pas parce qu’ils sont faibles, mais parce qu’ils traversent une tempête intérieure invisible — et qu’ils sont seuls face à elle.
Ce n’est pas une honte. Ce n’est pas une anomalie. C’est la nature même du divorce : un processus qui touche l’identité, pas seulement la relation.
Et tant qu’on le traitera comme un simple “deuil amoureux”, on laissera des milliers de personnes en souffrance, à essayer de “gérer” quelque chose qui demande en réalité un cadre, une méthode, un soutien.
On ne tourne pas la page tout seul.
On apprend à écrire la suivante.